Réflexion sur l’évolution de
l’enseignement, notamment au collège
Jan BAHNO, mai 2023
Il y a deux ans, j’ai pu
observer un cours de français dans lequel le professeur faisait comprendre à
ses élèves de 4e qu’une poésie n’était pas forcément écrite en vers
mais qu’il existait des poèmes en prose. Ailleurs et cette année, j’observe une
élève de 3e à qui on a demandé de se procurer le livre Le parti pris des choses (collection classicolycée où
est mentionné "tout pour réussir le bac") de Francis Ponge et dans
lequel elle étudie par exemple la nouvelle le galet,
récit d’une dizaine de pages sur le galet dans lequel on peut lire par exemple
"Tous les rocs sont issus par scissiparité d'un même aïeul énorme. De ce
corps fabuleux l'on ne peut dire qu'une chose, savoir que hors des limbes il
n'a point tenu debout.". Intrigué, je demande à mes collègues de français
ce qu’ils pensent d’un tel choix et ils en sont enjoués.
A l’heure où nos jeunes ont
de plus en plus de mal à écrire correctement, il me semble qu’il serait bon de
se contenter d’enseigner les bases au collège pour éviter les confusions.
Comment nos jeunes vont-ils
pouvoir s’épanouir dans un monde qui ne cesse de les abreuver de contractions
telles que des poèmes en proses, des garçons en une filles ou inversement et même
aucun des deux ?
A cet âge où l’on se
construit et où on a besoin de repère, n’est-il pas dangereux de semer de telle
confusions ?
J’observe davantage d’élèves
en situation de mal-être et, surtout chez les filles, des réelles difficultés à
se situer dans leurs mœurs.
Jan BAHNO, mai 2022
La trajectoire de
l’enseignement continue sa route vers le social au détriment des contenus
disciplinaires : on fait par exemple passer le PSC1 à nos élèves sur les
heures d’enseignement ce qui induit de grosses perturbations des cours sur
plusieurs jours.
Fleurissent beaucoup
d’actions pour améliorer le bien-être de nos jeunes : lutte contre le
harcèlement, le décrochage, relaxation, théâtre ...
L’épanouissement de nos
jeunes devient l’objectif central des établissements scolaires qui ont
désormais pour but de former de futurs bons
citoyens.
N’y a-t-il pas là une
inversion des causes et des conséquences :
L’objectif initial de l’école
était principalement de transmettre des connaissances à nos jeunes afin de
bâtir de futurs adultes instruits et réfléchis : n’est-ce pas là la
meilleure manière de former de bons
citoyens ?
En voulant aujourd’hui
davantage transmettre des valeurs plutôt que de connaissances, l’école ne
manque-elle pas à son devoir de former au libre arbitre ?
La connaissance et la
réflexion sont l’essence de la citoyenneté, et non l’inverse.
Ce contresens à propos de la
citoyenneté se produit aussi au niveau des contenus disciplinaires : nos
gouvernements successifs n’ont de cesse de dévaluer les diplômes afin qu’un
maximum d’élèves puisse les obtenir et il est désormais classique que le
baccalauréat ait un taux de réussite bien supérieur à 90%. Nos dirigeants
s’imaginent que donner le bac revient à donner de l’intelligence. Ce n’est
malheureusement pas le bac qui donne de l’intelligence mais c’est
l’intelligence qui devrait donner le bac. Une inspectrice nous a récemment
incité à confronter nos élèves à des exercices de type "PISA". Cette
incitation ne peut avoir pour but que d’augmenter nos résultats aux enquêtes
internationales mais il y a là encore une grosse confusion : le but de
l’enseignement n’est pas la réussite aux enquêtes internationales (ceci ne doit
être qu’une conséquence), mais bel et bien d’augmenter le niveau réel des
élèves.
Jan BAHNO, septembre 2016
Ces dernier temps,
l’enseignement évolue beaucoup. Afin d’essayer de comprendre ses tenants et ses
aboutissants, voici un petit extrait des mesures prises :
o
PAP Plan
d'Accompagnement Personnalisé pour
des dyslexie/dyscalculie/dyspraxie se multiplient ainsi que les aménagements
pour les évaluations et les AVS Auxiliaire
de Vie Scolaire qui accompagnent les élèves en cours.
o
intégration des
élèves à capacité cognitive réduite (loi du
11 février 2005) : les ULIS Unité Localisée d’Inclusion Scolaire sont intégrés dans les classes de collège et
assistent à bon nombre de cours bien que leurs niveaux relèvent généralement du
1e degré.
o
demande
d’individualisation des cours
Aujourd’hui et sur le
terrain, on sent bien qu’on attend des enseignants du changement mais on
n’arrive pas vraiment à savoir lequel, l’administration prônant
l’individualisation, les inspecteurs désireux de travail et d’évaluation en
groupe et le ministère insistant sur les validations des compétences en passant
par les formateurs qui attendent de la bienveillance. Plus personne ne parle
d’autorité et de connaissance qui étaient les piliers
de l’enseignement jusqu’à présent.
Analyse primaire de ces mesures :
Objectifs potentiellement visés :
Critiques potentielles :
Je ne pense pas me tromper en
disant qu’il y a quelques décennies encore, l’enseignement français avait une
très bonne réputation. Aujourd’hui, nos résultats ne cessent de baisser mais
nous poursuivons et accélérons dans la même direction.
Mise à part pour faire des
économies, ce n’est sûrement pas en intégrant à l’école des élèves à capacité
cognitive réduite qu’on peut améliorer le niveau quel qu’il soit. Il est peu
probable que ces élèves soient plus épanouis à l’école que dans des
établissements spécialisés.
La 1e des
priorités des enseignants est d’obtenir une bonne ambiance de travail,
c'est-à-dire une classe calme et attentive. S’enlever les moyens de pression
pour y parvenir est aussi bête que de faire une loi sans prévoir de peine pour
ceux qui ne la respecteraient pas. On ne veut pas abandonner par exemple les
notes pour ce qu’elles sont mais pour supprimer les pressions qu’elles
engendrent sur les élèves et ceci va finalement nous enlever des moyens de
remettre une classe au travail en rappelant que le travail pourrait être noté
ou qu’une évaluation pourrait aussi avoir lieu.
Demander du travail
individualisé ou du travail en groupe ne peut raisonnablement se faire qu’à
faible effectif.
Les enseignants ne peuvent
qu’être déroutés par de telles mesures qui exigent d’eux des choses qu’ils ne
peuvent pas donner. Le doute est l’ennemi de l’enseignant car pour être
convaincant, il faut être convaincu. Demander par exemple aux enseignants
d’individualiser leurs cours ou que 100% des élèves valident les compétences ne
va pas améliorer l’enseignement car si c’était possible, ils le feraient depuis
longtemps.
Il est illusoire de croire
qu’en abaissant les exigences minimales aux compétences et en rendant les
programmes flous, les professeurs vont naturellement s’adapter pour faire en
sorte d’obtenir le meilleur de leurs élèves. Il faut être clair, réaliste et
écrire par exemple pour chaque niveau "le niveau d’exigence doit se situer
entre ceci et cela selon le public" et ne pas demander des choses impossibles
qui rendent toute mesure incompréhensible.
Effondrement du
système en perspective : la suppression des redoublements ainsi que
l’intégration des élèves à capacité cognitive réduite va créer une
importante hétérogénéité des classes où l’enseignement va devenir de plus en
plus difficile, ce qui va créer une baisse de niveau et amplifier
l’hétérogénéité … la machine à régresser est en marche et ne s’arrêtera que
quand le niveau sera homogène et vraisemblablement très bas.
Solutions potentielles : c’est évident bien que ça ne soit pas
politiquement correct dans l’état d’esprit du moment.
Les deux 1e
solutions peuvent se concrétiser sans nécessairement augmenter
significativement les moyens :
Finalement, le constat est
assez plutôt navrant : nous ne respectons pas les règles élémentaires de
bon sens et nous nous étonnons de notre manque de performance !
et si le véritable problème de l’éducation
nationale était celui d’un panier percé :
L’idée est qu’on a des
estimations assez bonnes de :
De 1 et 2 on déduit le nombre
de classes ouvrables puis de 3 le nombre théorique d’élève par classe.
De 4, on peut déduire le
nombre de professeurs enseignants réellement.
élémentaire |
maternelle |
primaire |
collège |
LG |
LP |
|
total |
|
nombre
d'élèves |
|
2 548
613 |
4 247
688 |
3 335
100 |
2 165
000 |
671 200 |
|
12 967
600 |
nombre
d'élèves en % |
|
20% |
33% |
26% |
17% |
5% |
|
|
estimation
heure hebdomadaire élève |
|
24 |
24 |
31 |
30 |
30 |
27,1 |
heures en moyenne |
effectif
moyen classe (public) |
|
25,8 |
22,9 |
24,8*** |
29,8 |
19,3 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
nombre
d'enseignants |
839 700 |
prof
école |
certifié
et PLP |
agrégé |
documentaliste |
|
|
|
heure
hebdomadaire professeur |
|
24 |
18 |
15 |
0 |
|
20,9 |
heures en moyenne |
proportion |
|
52% |
44% |
3% |
1% |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
il faut
en moyenne |
1,3 |
enseignant par classe ( = 27,1/20,9) |
|
|||||
nombre
théorique de classes : |
646 504 |
( = 839 700/1,3) |
|
|||||
nombre
théorique d'élève par classe : |
20,1 |
( = 12 967 600/646 504) |
|
|||||
nombre
réel d'élèves par classe : |
24,9 |
ce qui correspond au travail de |
675 757 |
enseignants |
|
|
|
|
différence
: |
163 943 |
enseignants n'enseignent pas, |
20% |
en proportion |
|
|
|
personnels
de l'éducation nationale : |
1 052
700 |
|
|
|
|
|
|
|
enseignants
de l'éducation nationale : |
855 000 |
contre |
839 700 |
|
|
|
||
donc |
34% |
des personnels de l'éducation nationale
n'enseignent pas |
|
|
|
On peut contester certains
nombres : je ne peux pas prendre en compte les temps partiels, les
décharges horaires (les professeurs des écoles directeurs d’établissement,
mission syndicale …) … c’est vrai mais je n’ai pas non plus comptabilisé les
heures supplémentaires que font la plupart des enseignants du secondaire.
20% des enseignants n’enseignerait donc pas !
Combien y a-t-il de
professeurs de l’éducation nationale en détachement ou ailleurs et qui
n’enseignent pas ?
*on veut souvent faire croire aux enseignants que la
loi leurs impose de faire de l’enseignement individualisé. Cette loi dit :
"La scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens
nécessaires à l’acquisition d’un socle commun …". Or, pour que la
scolarité obligatoire puisse garantir quoique ce soit, il faut au préalable lui
en donner les moyens. En l’état, les enseignants ne sont pas concernés et
encore moins responsables de l’accomplissement de cette mission car ils n’ont
eu aucun moyen supplémentaire et quoiqu’il en soit, l’idée de donner un cours
particulier à 25 élèves en même temps est de toute façon absurde. Les moyens
supplémentaires actuels se trouvent dans l’accompagnement de certains élèves
par des AVS. D’autre part, certains élèves ayant un PPS projet
personnalisé de scolarisation incompatible avec l’acquisition du socle
commun, cette loi est de toute façon caduque car elle ne concerne pas tous les
élèves.
**Pour
les programmes de mathématiques :
il y a une volonté politique de moins
détailler les programmes
Programme
2008 : 10 213 mots pour le "cycle 4" (5e, 4e,
3e), (9459 mots pour les tableaux "Connaissances Capacités
Commentaires")
Programme
2016 : 6 294 mots, (3237 pour les tableaux "attendue en fin de
cycle")
Exemple de diminution de clarté : calcul littéral et équations pour le cycle 4
Programme 2008 :
4e : Calcul
littéral Développement. |
Calculer
la valeur d’une expression littérale en donnant
aux variables des valeurs numériques. Réduire
une expression littérale à une variable, du type : 3
x – (4 x – 2), 2 x ², – 3 x + x ²… Développer
une expression de la forme (a
+ b) (c + d). |
L’apprentissage du calcul littéral est conduit très progressivement à partir de situations qui permettent aux élèves de donner du sens à ce type de calcul. Le travail proposé s’articule autour de trois axes :- utilisation d’expressions littérales donnant lieu à des calculs numériques ; - utilisation du calcul littéral pour la mise en équation et la résolution de problèmes divers ; - utilisation du calcul littéral pour prouver un résultat général (en particulier en arithmétique). Les situations proposées doivent exclure tout type de virtuosité et viser un objectif précis (résolution d’une équation, gestion d’un calcul numérique, établissement d’un résultat général). L’objectif reste de développer pas à pas puis de réduire l’expression obtenue. Les identités remarquables ne sont pas au programme. Les activités de factorisation se limitent aux cas où le facteur commun est du type a, a x ou x ² |
Résolution
de problèmes conduisant à une équation du premier degré à une inconnue. |
-
Mettre en équation et résoudre un problème conduisant à une équation du
premier degré à une inconnue. |
Les problèmes issus d’autres parties du programme et d’autres disciplines conduisent à l’introduction d’équations et à leur résolution. À chaque fois sont dégagées les différentes étapes du travail : mise en équation, résolution de l’équation et interprétation du résultat. Les élèves, dans le cadre du socle commun, peuvent être amenés à résoudre des problèmes se ramenant à une équation du premier degré sans que la méthode experte soit exigible. |
3e : Calcul
littéral Factorisation. Identités
remarquables |
Factoriser
des expressions algébriques dans lesquelles le facteur est apparent. Connaître
les identités: (a
+ b)(a – b) = a²– b² (a + b)² = a² + 2ab + b² (a – b)² = a² – 2ab + b² -
Les utiliser dans les deux sens sur des exemples numériques ou littéraux
simples. |
Les travaux se développent dans trois directions : - utilisation d’expressions littérales donnant lieu à des calculs numériques ; - utilisation du calcul littéral pour la mise en équation et la résolution de problèmes ; - utilisation pour prouver un résultat général (en particulier en arithmétique). Les activités visent la maîtrise du développement ou de la factorisation d’expressions simples. - Les utiliser dans les deux sens sur des exemples numériques ou littéraux simples. Dans le cadre du socle commun, les élèves connaissent l’existence des identités remarquables et doivent savoir les utiliser pour calculer une expression numérique mais aucune mémorisation des formules n’est exigée. |
Équations
et inéquations du premier degré Problèmes
du premier degré : inéquation du premier degré à une inconnue, système de
deux équations à deux inconnues. Problèmes
se ramenant au premier degré : équations produits. |
-
Mettre en équation un problème. - Résoudre
une inéquation du premier degré à une inconnue à coefficients numériques ;
représenter ses solutions sur une droite graduée. -
Résoudre algébriquement un système de deux équations du premier degré à deux
inconnues admettant une solution et une seule ; en donner une interprétation
graphique. -
Résoudre une équation mise sous la forme A(x).B(x) =0, où A(x) et B(x) sont deux expressions du premier degré de la même variable x. |
La notion d’équation ne fait pas partie du socle commun. Néanmoins, les élèves peuvent être amenés à résoudre des problèmes du premier degré (méthode arithmétique, méthode par essais successifs, …). L’étude du signe d’un produit ou d’un quotient de deux expressions du premier degré de la même variable est hors programme. |
Programme 2016 : (en rouge : incohérence)
Utiliser le calcul littéral |
|
Mettre
un problème en équation en vue de sa résolution. Développer et factoriser des expressions algébriques dans des cas très
simples. Résoudre
des équations ou des inéquations du premier degré. -
Notions de variable, d’inconnue. Utiliser
le calcul littéral pour prouver un résultat général, pour valider ou réfuter
une conjecture. |
Comprendre
l’intérêt d’une écriture littérale en produisant et employant des formules liées aux grandeurs mesurables
(en mathématiques ou dans d’autres disciplines). Tester
sur des valeurs numériques une égalité littérale pour appréhender la notion
d’équation. Etudier
des problèmes qui se ramènent au premier degré (par exemple, en factorisant des équations
produits simples à l’aide d’identités remarquables). Montrer
des résultats généraux, par exemple que la somme de trois nombres consécutifs
est divisible par 3. |
Programme 2020 :
Utiliser le calcul littéral |
Connaissances - Notions d’inconnue, d’équation, d’indéterminée, d’identité. - Propriétés de distributivité (simple et double). - Annulation d’un produit (démonstration possible par disjonction de cas). - Factorisation de a ² - b ² . Compétences associées - Développer, factoriser, réduire des expressions algébriques dans des cas très simples. - Utiliser le calcul littéral pour traduire une propriété générale (par exemple la distributivité simple), pour démontrer un résultat général (par exemple que la somme de trois entiers consécutifs est un multiple de trois), pour valider ou réfuter une conjecture, pour modéliser une situation. - Mettre un problème en équation en vue de sa résolution. - Résoudre algébriquement des équations du premier degré ou s’y ramenant (équations produits), en particulier des équations du type x ² = a. Il est attendu de
démontrer au moins une propriété du calcul fractionnaire en utilisant le
calcul littéral et la définition du quotient. |
Socle commun (ou là) : lire le domaine 4 et essayez d’y extraire des informations portant sur le calcul littéral.
*** dans mon collège 27,8
**** avant 2005, les programmes faisaient foi : ils
étaient par niveau et étaient suffisamment précis.
En 2005 : vient le socle
commun mais les programmes restaient clairs (voir programme
de mathématiques 2008 par exemple). Il avait été demandé aux enseignants de
se mettre d’accord sur les modalités de validation du socle sur la base d’une grille
de référence. Finalement, les validations se sont généralement faites par
le chef d’établissement en fin de 3e, pour la quasi-totalité des
élèves puisque telle le voulait la loi. C’était donc beaucoup de bruit, de
travail et de questions pour rien.
Aujourd’hui, les
programmes sont par cycle et peu précis. Le nouveau
socle commun semble être à l’état d’ébauche mais il est sensé faire
référence. Pour l’heure, je ne sais pas clairement ce qu’il y a officiellement
à enseigner.
Décembre 2016
J’ai honte : l’enquête TIMSS
2015 révèle qu’en mathématiques
Fort à parier que si elle
évaluait d’autres disciplines, nos résultats ne seraient pas meilleurs.
La France, un
des pays qui compte le plus de médaillés Fields, pays des Bourbakis et berceau des mathématiques modernes est
aujourd’hui dernière !
Comment en est-on arrivé
là ?
Dans le même temps, ces mêmes
élèves ont un taux de réussite de 92% au baccalauréat
S et plus de 65% des reçus ont une mention et presque 18% la mention
"très bien" !
Pour sûr,
Demain, nos rues seront
peuplées d’incompétents à mention très bien.
Comme c’était prédit dans le
livre "les déshérités", les
politiques ne remettent pas en cause leurs réformes et y trouvent même
l’occasion d’affirmer que cette contre performance
résulte du fait que leurs réformes n’aient pas été encore totalement
accomplies. Je crains malheureusement que le pire soit à venir, précisément
lorsqu’ils auront achevé leur travail de destruction.
Seul point positif : le
problème de l’élitisme français est désormais réglé, les élèves talentueux
étant sacrifiés sur l’autel de l’égalité et du bien-être. (voici
les résultats de mes classes d’années en années)
Qu’en est-il de
l’enseignement des mathématiques aujourd’hui ?
Il est préconisé de faire des
progressions spiralées, c'est-à-dire d’aborder les notions à plusieurs moments
si bien que les cours sont moins concis et un élève ne saura plus vraiment quel
chapitre consulter pour retrouver une information. L’ambiance est donc au
décloisonnement de l’enseignement comme ça l’a été pour le français où par
exemple l’apprentissage de la grammaire doit se faire part l’intermédiaire
d’études de textes. De même qu’on a mis la grammaire au service du français, on
veut mettre les mathématiques au service de projets ce qui est d’autant plus
criant avec l’arrivée des EPI qui vont jusqu’à décloisonner les matières.
L’idée est très attrayante à première vue mais je n’ai jamais rencontré
d’enseignant subjugué par cette méthode : a-t-elle au moins fait l’objet
d’une étude qui montre son efficacité ?
Avec le "savoir
faire" lié aux compétences et qui place l’élève davantage comme un
utilisateur que comme un chercheur, il n’est plus vraiment de rigueur de
prouver les résultats qu’on enseigne, ce qui est pourtant l’essence même des
mathématiques, mais on nous conseille plutôt de faire quelques démonstrations
bien choisies. Le contenu des cours devient donc une succession de résultats
sans réel fondement où l’usage de photocopies ou texte à trous est souvent
utilisé.
Lorsque je regarde ce que je
dois officiellement enseigner : les programmes sont de plus en plus vagues
et le socle commun de compétence l’est encore davantage. Moi-même je ne sais
plus vraiment ce que je dois faire.
Quoiqu’il en soit, la
consistance mathématique des programmes s’est vue largement réduite depuis
2001, on a perdu : les systèmes d’équations, les inéquations, les
identités remarquables 1 et 2, l’étude des racines carrées, les PGCD, les
vecteurs, l’angle au centre, les droites remarquables du triangle, la droite
des milieux, le lien triangle rectangle-cercle et jusqu’aux bissectrices dont
le mot ne figure même plus dans les textes ! On a gagné : les probabilités,
la décomposition en facteurs premiers, scratch en informatique, les triangles
semblables, les coordonnées dans l’espace (cartésienne et géographiques), les
homothéties dont l’approche reste fantaisiste sans outils vectoriels, les
ratios.
J’ai bien peur que nous ayons
franchi un point de non-retour qui transforme notre école en un vaste jardin
d’enfants ce qui est peut-être l’aboutissement ultime de la politique de
l’enfant roi : à tout leur donner ils pensent désormais que tout leur ait
dû et plus rien n’a finalement de valeur, ni les gens, ni les choses, ni le
travail et ni même les diplômes.
Pourtant et pour l’avoir
pratiqué, nous connaissons les recettes de la réussite et il me semble
fondamental de s’y référer.
Non, je ne peux me résigner,
sous prétexte d’un éventuel bien-être de nos jeunes, à délaisser ces valeurs et
ces connaissances. Et d’ailleurs, nos jeunes sont-ils seulement plus heureux
aujourd’hui ?
Enseigner et éduquer ne
peuvent se faire sans l’autorité qui montre des limites, distingue le vrai du
faux, félicite ou pointe les erreurs.